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N'importe où hors du monde - Critiques Fantasy/SF/Horreur
13 septembre 2018

"L'Apprenti Assassin", Tome 1 de L'Assassin Royal de Robin Hobb/ Traduction de Arnaud Mousnier-Lompré

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Chaque lecteur à ses raisons pour lire ce qu'il lit. Certains lisent dans l'espoir de retrouver leur réalité, de façon à comprendre mieux ce qu'ils traversent. D'autres, au contraire, lisent pour s'échapper totalement de cette réalité, car elle leur parait trop cruelle, trop décevante. Je me situe dans ce dernier cas de figure. Le titre de ce blog "N'importe où, hors du monde", fait d'ailleurs référence au dernier vers d'un poème en prose de Charles Baudelaire, Anywhere out of the World, présent dans ses Petits Poemes en Prose :

"Enfin, mon âme fait explosion, et sagement elle me crie : N’importe où ! N’importe où ! Pourvu que ce soit hors de ce monde !".

C'était une façon pour moi de donner le ton, et d'afficher clairement que je rejette le monde dans lequel on nous force à vivre, et que je me réjouis de savoir qu'il existe une porte de sortie à travers la littérature de l'imaginaire.

Tout ça pour dire que, lorsqu'un auteur ou une autrice parvient à laisser cette porte grande ouverte, je ne peux que m'en réjouir d'avantage. Ce que je demande (et je ne dois pas être la seule), c'est d'être transportée dans un autre univers, sans que je ne m'en rende compte. La lecture devenant dans ce cas une action mécanique, et non pas un exercice difficile. Tout devient clair et limpide: je suis là où on veut me mener.

De tels livres sont malheureusement rares, mais celui dont je vais parler aujourd'hui en fait partie. Et je peux vous dire d'ores et déjà que je n'ai pas regretté un seul instant du voyage.

 

L'Apprenti Assassin est le premier livre retraçant les mémoires de Fitz Chevalerie, le narrateur et personnage principal de l'histoire. Comme il s'agit de l'enfant illégitime de Chevalerie, le prince héritier du Royaume des Six Duchés, son grand père a décidé que sa place était près de la famille royale. Fitz est donc abandonné à l'âge de six ans et recueilli par Burrich, le maitre des écuries et fervent serviteur du prince Chevalerie. En grandissant, le garçon se verra contraint de se mettre au service de sa famille en suivant l'enseignement d'Umbre, l'assassin au service du roi Subtil.


Comme vous aurez pu le deviner, ce livre est un ENORME coup de cœur. Plusieurs personnes de mon entourage l'avaient lu, et j'ai eu des avis très divers: certains avaient adoré, d'autres s'étaient vite lassés. Pour ma part, dès la première page, j'ai su que j'allais faire une excellente expérience de lecture. Je ne saurai pas analyser l'écriture de Robin Hobb aussi précisément que je le souhaiterai, mais ce que je peux affirmer, c'est qu'elle réussit à rendre compte du grand pouvoir de l'écriture, qui peut permettre de voyager dans ces mondes imaginaires. Je fais également mention du talent du traducteur, qui a su retranscrire cette qualité d'écriture en français.

Il faut cependant savoir que ce livre n'est pas un livre de fantasy comme on l'entend, c'est-à-dire que ce n'est pas exactement de la High Fantasy, avec des grandes batailles épiques, ou de la Low Fantasy, avec l'omniprésence de la magie et du petits peuples. Il s'agit d'un monde a la fois familier et atypique, qui rappelle un peu l'univers du Trône de Fer. En effet, l'histoire se construit principalement autour d'intrigues politiques.

Cependant, la magie est bien présente dans la vie quotidienne des personnages. La survie du Royaume est garantie par l'utilisation de l'Art, qui s'oppose au Vif. Pourtant, les deux magies sont assez semblables, ayant toutes deux un rapport avec le contact mental. Cependant, dans ce monde, on considère que l'Art est nettement supérieur au Vif, qui est un contact mental avec les animaux. Il y a donc dans ce roman un conflit très clair entre "la bonne magie", celle qui permet de rentrer dans l'esprit des autres, souvent dans le but de les manipuler et "la vieille magie", plus instinctive et plus redoutée, car la croyance populaire veut que ceux qui la pratiquent se transforment en bêtes. Ceci n'étant pas sans rappeler le conflit entre religions monothéistes et cultes païens.

Autre élément atypique dans un livre de fantasy: l'histoire est racontée à la première personne. Avant de le lire, je me demandais si cela fonctionnerait, ce type de discours n'étant pas pratique pour retranscrire les différents points de vue nécessaires à la compréhension d'une série d'intrigues. Néanmoins, comme Fitz a un rôle d'observateur, le lecteur peut facilement avoir accès à différents points de vue à travers lui.

Ceci m'amène au dernier point: les relations entre les personnages sont magnifiquement bien écrites. Ceci notamment grâce au fait que les personnages ne sont jamais complètement bons ou complétement mauvais (à l'exception peut-être de Galen, une sorte de Severus Rogue armé d'une cravache, je vous laisse imaginer…). Nous avons accès très tôt à leurs motivations, et lorsque ce n'est pas le cas, notre opinion d'eux peut changer au moment où on s'y attend le moins. De plus, comme Fitz est un jeune garçon sensible, les scènes de disputes avec les personnes dont il est le plus proche sont extrêmement émouvantes. On arrive a ressentir physiquement sa détresse et sa peur de l'abandon.

L'Assassin Royal est donc un livre que je vous recommande chaudement, même si vous lisez plutôt de la fantasy dans l'espoir de trouver des scènes de bataille épique avec des gros barbares musclés et couverts de sueur. Vous ne trouverez pas ça dans ce roman, mais peut être que vous découvrirez une nouvelle façon de faire qui, je l'espère, vous séduira. Pour ma part, j'ai été totalement conquise, et je regrette de ne pas avoir assez de temps devant moi pour pouvoir me consacrer immédiatement à la suite. Mais enfin, je suppose qu'il vaut mieux varier ses lectures si on veut être une bibliothécaire digne de ce nom.

- Naomi

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