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N'importe où hors du monde - Critiques Fantasy/SF/Horreur
26 septembre 2018

"Hérédité" de Ari Aster

poster

Il va être extrêmement compliqué pour moi de parler de ce film. Premièrement, parce qu'il sera difficile d'éviter les spoilers, ce blog n'ayant pas pour vocation première de faire des analyses complètes de films et, deuxièmement, parce que les sentiments que j'ai par rapport à Hérédité sont trop profonds pour que je puisse me contenter de les survoler, ce que je vais pourtant devoir faire.
Lors de ma dernière critique de film, sur Sans Un Bruit, je me rappelle avoir dit que j'avais toujours peur d'être déçue par ce genre, car, lorsque je veux me confronter à l'horreur, je m'y confronte à cent pour cent (voire à deux cent pour cent, si je me sens particulièrement masochiste ce jour-là). En clair, je cherche LE truc, qui va me laisser une emprunte mentale. Je cherche la catharsis ultime.
Pour l'instant, je ne l'ai pas trouvée, et quelque part, j'espère que je ne la trouverai pas. Car, si je prends Hérédité comme échelle de valeur pour essayer de déterminer le choc, il y a des chances que je devienne folle à jamais.  Car oui, après avoir vu ce film, je peux affirmer qu'il est possible d'être littéralement traumatisé par une œuvre de fiction.

Voyons cela de plus près:

Hérédité suit Annie Graham, une miniaturiste qui a récemment perdu sa mère. Les deux avaient des rapports compliqués, et Annie a toujours été opposée à ce qu'elle se rapproche de ses deux enfants, Peter et Charlie. Si Peter ne manifeste pas de regrets par rapport au décès de sa grand-mère, Charlie, en revanche, à beaucoup plus de mal à faire son deuil. Peu après l'enterrement, Annie et sa famille sont témoins d'évènements étranges, qui apparaissent au sein même de leur maison.

Voilà. C'était un exemple des problèmes que je vais avoir avec cette critique: ici, je me suis juste contentée de reformuler ce que j'avais vu dans d'autres résumés du film, précisément pour éviter les spoilers. Pourtant, j'aimerai pouvoir parler de tout ce qui se passe réellement… Malgré tout, je me contenterai de dire cela, à titre préventif: ne vous fiez surtout pas à ce type de résumés. On pourrait s'attendre à ce que ce soit une simple histoire de fantômes, avec la grand-mère qui possède sa petite-fille. Mais ce n'est rien de tout ça. C'est bien plus compliqué et, d'une certaine manière, bien pire.

Pour être honnête, il ne s'agit pas du film d'horreur le mieux écrit que je n'aie jamais vu. Ce qui est extrêmement regrettable d'ailleurs. A mon avis, le problème vient du fait que Ari Aster sait très bien commencer ses films, mais ne sache pas les finir autrement que par une apothéose "conventionnelle". Pour avoir vu ses courts métrages (Munchausen et The Strange Thing about the Johnsons), j'ai pu remarquer que c'était un problème récurrent. Dans le cas d'Hérédité, le climax est atteint dès quarante minutes. Et donc, les quatre-vingt minutes restantes se font sentir comme du remplissage.

Heureusement, quand je parle de climax, c'est un véritable climax pour le coup… Ceux qui ont déjà vu ce film savent de quoi je parle. Pour ceux qui ne l'ont pas encore vu, ce sera un moment extrêmement désagréable à passer, qui pourra aller de l'envie de se cacher les yeux au besoin impérieux de faire une pause, boire un verre d'eau, contenir ses tremblements et laisser échapper un long rire nerveux. Oui, bien deviné, j'étais dans ce dernier cas.

Malgré ce défaut, Hérédité fait réellement partie des tours de force cinématographiques. En particulier pour ce qui concerne la mise en scène. Tout est calculé au millimètre près. Il y a d'ailleurs un rapprochement évident entre les maquettes que fabrique Annie et la maison dans laquelle elle vit avec sa famille. Tant et si bien qu'il arrive fréquemment qu'on confonde maquette et décors studio. La réalisation et la musique parviennent sans aucun mal à créer une ambiance anxiogène au possible. Dès le début, on peut se douter que les personnages seront enfermés dans leur douleur et dans leurs folies.

Un autre détail à préciser, qui a tout de même son importance: vous ne trouverez aucun jumpscare dans Hérédité. Pas le moindre. L'horreur ne vient pas d'un effet de surprise bref, mais, au contraire, d'une lente observation.

Mais ce qui est le plus marquant au final, c'est la façon dont le thème commun à toutes les œuvres d'horreur est traité: la mort et l'impossibilité d'y échapper. La mort y est impitoyablement réaliste, sans effets gore excessifs, mais sans aucun filtre non plus. Ari Aster ne nous épargne pas la vermine et la pourriture. Il ne nous épargne pas non plus la douleur que la mort d'un être cher entraine, et c'est sans doute ça qui rend son film si marquant. Les acteurs, Toni Colette en tête, ont su rendre compte de la violence du deuil avec une telle justesse qu'on ne peut que ressentir de l'empathie pour les personnages, et par la même, souhaiter de tout son cœur que les choses aient pu se passer autrement.

Voilà tout ce que je m'autorise à dire sur ce film, pour l'instant. Je n'exclus pas la possibilité d'une analyse plus profonde, qui prendra certainement la forme d'un dossier. En effet, il y a tellement de sujets à aborder autour de ce film, tellement de détails à  localiser et surtout, tellement de pièces du puzzle à assembler qu'il me faudra au moins cinq ou six pages pour en faire le tour. Voire davantage.

En attendant, si vous aimez l'horreur et la catharsis que ce genre apporte, vous aimerez Hérédité. J'ai été gentille, je vous ai un peu préparé au choc, ce que ne font pas les résumés IMDB ou la bande annonce (pour une fois que la bande annonce ne raconte pas tout le film!). Je pense qu'il faut quand même se sentir de taille, car il n'y a aucun moment pour souffler, en tout cas, il y a trop peu de notes d'humour pour pouvoir prendre de la distance. Une fois que vous serez entrés dans le film, vous n'en sortirez plus. Et lorsque les deux heures se seront écoulées, il restera encore longtemps auprès de vous.

Un dernier conseil: si après le visionnage vous entendez un claquement de langue. Appelez un exorciste. On ne sait jamais.

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