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N'importe où hors du monde - Critiques Fantasy/SF/Horreur
22 août 2018

"De Bons Présages" de Terry Pratchett et Neil Gaiman / Traduction de Patrick Marcel

De_bons_presages

Avant de commencer, il me parait important de préciser la raison d'exister de cet énième blog de critiques:
Depuis quelques mois, je travaille bénévolement dans une bibliothèque de village, où le fond de ce qu'on appelle “les lectures de l'imaginaire” n'arrive pas à sortir aussi régulièrement que l'équipe le souhaiterait. Comme il s'agit pratiquement des seuls genres d'ouvrages que j'emprunte en bibliothèque, je me suis dit: “Pourquoi ne pas faire des notes du style ‘coup de cœur des bénévoles’ sur les livres de Fantasy et de SF, pour encourager les gens à les emprunter?”. L'idée a été validée, mais il reste un problème: je n'ai encore jamais écrit ce genre de notes.
Pour dire la vérité, je trouve ce procédé assez frustrant, car il s'agit simplement de “faire vendre”, ce qui ne laisse pas beaucoup de place aux avis constructifs. On veut faire sortir le fond, alors il faut dire que c'est bien.
Je me suis dit que ça serait une meilleure solution d'essayer d'écrire une critique au préalable, histoire de pouvoir au moins définir les aspects positifs de l'ouvrage qui pourront intéresser certains lecteurs. Le but ultime étant de faire découvrir à des gens qui ne seraient pas familier avec les lectures de l'imaginaire des univers à mille lieues de ce à quoi ils étaient habitués jusqu'à lors.

Bref, passons aux choses concrètes:

Depuis toute jeune, je suis une grande admiratrice de Terry Pratchett. Comme Terry Gilliam, il a été le grand père que je n'ai jamais eu. J'ai dévoré la série du Disquemonde (pas tous les livres, mais ça ne saurait tarder), en pensant d'abord qu'il s'agissait de simples parodies, mais au final, ces livres apportent une profondeur rarement égalée dans les sagas de fantasy. Comme quoi, l'humour peut aussi aider à faire comprendre des sujets compliqués et graves au lieu de les minimiser.
En revanche, je ne connais pas très bien Neil Gaiman. J'ai lu (et vu) Coraline et L'Etrange Vie de Nobody Owens assez tard dans mon adolescence et je l'ai facilement assimilé à un Tim Burton moins flamboyant. De plus, comme j'ai tendance à me méfier des auteurs hypés et que je vois son nom beaucoup trop souvent sur internet, j'ai beaucoup hésité avant de me lancer à lire ses œuvres.
De Bons Présages, était un bon compromis entre l'œuvre d'un auteur que j'adore, et d'un dont je n'osais pas parler en bien de peur de rejoindre l'avis général (oui, j'ai peur d'être trop mainstream. Ce blog est aussi fait pour me libérer de mes tendances dédaigneuses)

Dans ce livre, l'Apocalypse est proche. Le Paradis et l'Enfer veulent se battre pour le contrôle de la Terre. Cependant, un démon, Rampa (anciennement Rampant) et un ange, Aziraphale, tous deux présents lors du péché originel, ne tiennent pas à la disparition de l'humanité. Tous les deux ont réussi à vivre des vies confortables depuis la création du monde jusqu'à nos jours. Rampa satisfait son matérialisme, notamment avec de beaux vêtements et une voiture de luxe pendant qu'Aziraphale collectionne les livres dans une librairie où les clients sont vite chassés. Ils vont donc essayer de saboter cet évènement tant redouté.

Étant préoccupée par l’ état -désastreux- de notre monde, je trouve un certain confort dans les récits qui traitent de l'Apocalypse avec un haut niveau d'absurdité. Allez savoir pourquoi, ça me rassure. Je m'attendais tout à fait à retrouver un décalage humoristique propre au style de Terry Pratchett dans ce livre. Il n’y a que lui pour manier les expressions imagées avec autant de précision (Je me suis sentie particulièrement concernée par: “le ton calme de quelqu'un qui a supporté tout ce qu'il était capable de supporter et qui va démissionner tout de suite après pour aller élever des poulets quelque part”).

Qui dit Apocalypse dit forcément les Quatre cavaliers: la Guerre, la Famine, la Pollution (qui remplace la Pestilence, plastique et effet de serre oblige) et la Mort. Si la Mort est ici en tout point semblable à celle de la série du Disquemonde, les trois autres cavaliers sont la personnification des plus grands dangers de notre monde moderne. La Guerre est une vendeuse d'armes et journaliste de guerre, la Famine est un homme d'affaire spécialisé dans les fast food et les produits de régime tandis que la Pollution s'occupe de créer des catastrophes écologiques à la chaine. J'ai trouvé l'écriture de ses trois personnages particulièrement glaçante, car s'ils sont bel et bien les agents du chaos, il reste clair dans le livre que ce sont les humains qui font le plus gros du travail.

De façon générale, j'ai beaucoup apprécié ce livre. D'une part pour les thèmes abordés (la fin du monde, la religion, la place de l'humanité sur Terre) et d'autre part pour le soin apporté aux personnages. Les auteurs n'hésitent pas à prendre le temps de les développer et de prendre chaque point de vue séparément, ce qui les rend très attachants. (J'ai eu beaucoup de tendresse pour deux personnages en particulier: Adam Young alias l'Antéchrist, à la tête d'une bande d'enfants tous droits sortis d'un film des années 80. Et Anathème Bidule, une sorcière qui tente de déchiffrer les “belles et bonnes prophéties” de son aïeule Agnès Barge).

Ce que je pourrai reprocher aux auteurs, c'est une certaine tendance à se perdre en digressions. Personnellement, je n'y vois pas de trop grands inconvénients, vu que les sujets abordés me plaisent et m'amusent, mais ça ne facilite pas la lecture. De plus, il est toujours difficile de se concentrer sur un récit lorsque les personnages principaux et secondaires ont tous leurs points de vue représentés. J'ai eu du mal à comprendre l'intrigue autour de l'Antéchrist et le véritable rôle de Rampa et d'Aziraphale. En bref, les forces de ce livre sont aussi ses faiblesses. Cependant, il mérite de se lire une deuxième fois, et d'aller à la pèche aux références. Si on ne sait pas qui est Ken Russel où a quoi le nom Damian fait référence, on risque de passer à côté de certaines blagues.

Pour résumer, De Bons Présages est un très bon livre de fantasy urbaine. Pour peu que l'on accepte de se concentrer un peu plus que la moyenne, on passe un excellent moment en le lisant. Les répliques et les situations restent longtemps en mémoire et on se laisse facilement émouvoir. Je recommande, et je compte bien redécouvrir Neil Gaiman en commençant par American Gods.

Et bien sûr, je continue le Disquemonde.

- Naomi

 

Citations favorites:

. Certes, par définition, le pire, c'était l'Enfer, bien entendu. Mais Rampa se rappelait à quoi ressemblait le Paradis, et les points communs avec l'Enfer ne manquaient pas. Pour commencer, impossible de boire un bon coup ni dans l'un, ni dans l'autre. Et il était aussi malsain de s'ennuyer dans l'un que de ne pas s'ennuyer dans l'autre.

. “On dirait que l'Apocalypse est un film à grand spectacle que vous cherchez à vendre au plus grand nombre de pays possibles.” – Aziraphale

. “Un petit cochon est allé aux enfers

Un petit cochon est resté chez lui

Un petit cochon s'est repu de chair humaine crue et fumante

Un petit cochon a violé des vierges

Et un petit cochon a gravi une montagne de cadavres pour atteindre le sommet

– Nounou Astaroth

. L'Enfer n'était pas un puits gigantesque de Mal, pas plus que le Paradis, de l'avis de Rampa, n'était source de Bien; c'était juste les couleurs opposées d'un grand jeu d'échecs cosmiques. L'article authentique, la véritable grâce et le mal effroyable se trouvaient dans l'âme humaine…

. “On grandit en lisant des histoires de pirates et de cowboys et d'astronautes et tout ça, et au moment où tu crois que le monde est plein de trucs géniaux, on te dit qu'en fait y a que des baleines crevées et des forets abattues er des déchets radioactifs qui durent des millions d'années. Ça vaut pas la peine de grandir si vous voulez mon avis.” – Adam Young

. Tout n'était que noirceur, désespoir et épouvante. Il n'y avait aucune lueur au bout du tunnel – où s'il y en avait une, c'étaient les phares d'un train qui arrivait.

. Le cerveau humain n'est pas équipé pour voir la Guerre, la Famine, la Pollution et la Mort quand les Quatre ne tiennent pas à être vus, et il est devenu tellement doué pour ça qu'il réussit souvent à ne pas les voir alors qu'ils sont partout autour de lui.

. Il ne voyait pas pourquoi les gens font tant d'histoires pour un bête fruit, d'ailleurs, mais ça rendait la vie beaucoup plus drôle. Et quels que soient les ennuis encourus, toutes les pommes valaient la peine qu'on les cueille, selon Adam.

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